Romain et Clara à Buenos Aires

Islas Malvinas ou Falklands Islands ?

L’Argentine est un pays immense fait d’influences diverses. De nombreuses cultures  y cohabitent, chaque Province revendique une identité propre, les prises de positions politiques sont variées et bien tranchées, les différences sociales marquées et les divergences d’opinions se crient haut et fort. Mais deux choses rassembleront toujours unanimement tous les argentins sous la bannière céleste et blanche : la Selección Nacional de Fútbol et les Îles Malouines.

 

Il est absolument impensable, même pour le plus raisonnable des Argentins, de considérer d’abandonner les îles Malouines. Depuis notre arrivée dans le pays nous sentons bien que le sujet est sensible. Il faut dire que depuis quelques mois, la pression monte. À l’approche du 30e anniversaire du début du conflit, qui était célébré ce lundi 2 avril, le gouvernement a tout fait pour mettre en avant ce sujet si cher au cœur des Argentins. Mais d’où vient toute cette passion ? Pourquoi tant de haine ? Et, surtout, d’un point de vue neutre et de notre humble avis, qui a raison dans cette histoire ?

 

Rappelons brièvement les faits. Les Îles Malouines sont découvertes par Magellan alors qu’il crapahute pépère autour du globe. Il daigne à peine jeter un regard sur ces deux petits cailloux sans intérêt et passe son chemin, nonchalamment. Passent ensuite divers explorateurs anglais, hollandais et français. Oui, français ! Les premiers colons permanents des îles sont d’ailleurs des marins de St-Malo menés par Bougainville en 1764. Attends… St-Malo, Malo, Malouin… Malouines ! Donc oui, le nom Malouines et donc Malvinas vient de nos chers ancêtres ! Le plus simple serait de nous rendre ces îles et d’en finir une bonne fois pour toute. Un TOM de plus, ça peut toujours servir.

 

Chasse au phoque et dictateur

 

Reprenons.  Les Français les refilent aux Espagnols qui ont un empire juste en face. Mais les Anglais trouvent ces petites îles bien pratiques pour faire escale avant de repartir 

 

vers le Pacifique. Les flottes coloniales se disputent pendant quelques temps et l’Espagne finit par céder face aux British. Ces derniers, ayant d’autres chats à fouetter, les laissent inhabitées à partir de 1790. Les Argentins estiment que les 

 

Anglais ont donc renoncés aux îles à ce moment-là. En 1816 l’Argentine devient indépendante et reprend les vieilles revendications espagnoles à sa charge. Sans vraiment y attacher grande importance puisque des colons anglais viennent s’y installer sans encombre à partir de 1833 et s’adonnent, sourires aux lèvres, à la pêche, la chasse au phoque et au pingouin.  Ils sont tranquilles, entre rouquins, pendant des années.

 

Mais dans les années 80 l’Argentine est aux mains d’un de ses nombreux dictateurs militaires : le général Leopoldo Galtieri. Avec une inflation de 140%, des contestations et un régime vacillant,  l’ami Leo a une idée de génie pour redorer son blason: reprendre les Malvinas à ces sales 

rosbeefs !

 

Ces derniers, disons le clairement, se foutaient complétement de ces rochers perdus. Comme tout dictateur sud-américain qui se respecte, Leo avait ses entrées à la CIA et s’est dit que les ricains n’oseraient rien dire.

 

Professionnel de la répression dans les barrios mais amateur en matière de guerre sérieuse, il envoie des gamins sans aucune formation, fusil à la main, accompagnés de quelques blindés. 

 

         Petite anecdote : les Anglais avaient à l’origine    50 Marines sur place mais dans le cadre d’une réduction de troupes, les 50 types allaient partir pour n’être remplacés que par 20 nouveaux. Les Argentins, ayant préparé leur coup depuis des mois et fins stratèges, débarquent pile quand les 70 Royal Marines étaient là en même temps !

 

Le 2 avril 1982 donc, les Argentins débarquent ! Ils arrivent devant une caserne et tirent dans tous les sens, balancent des obus et des grenades puis se calment en se rendant compte que la caserne est… abandonnée. Tout le monde était à la ville pour attendre la relève.

 

Les anglais sont stupéfaits. Très vite le Monde entier se retourne contre Leo qui était quand même un dictateur pas très porté sur les Droits de l’Homme. Margaret Thatcher montre sa fameuse poigne de fer et démonte vite fait les amateurs d’en face. Certains officiers argentins dépassés reprennent les habitudes domestiques et s’en prennent aux pauvres pibes* enrôlés de force en leur infligeant humiliations, envois suicidaires au combat et mêmes tortures ! Ces détails sordides commencent seulement à faire surface en Argentine.

 

« Deux chauves se battant pour un peigne »

 

Bilan après quelques semaines de guerre : 650 morts argentins et 250 boys. Retour à la case départ, les Anglais reprennent les îles. Jose Luis Borges dit que cette guerre se résumait à : « deux chauves se battant pour un peigne ».  La chute de Leo fut immédiate et une lente transition démocratique s’amorça alors en Argentine. Les habitants des Malouines restent attachés à la Couronne et ne veulent absolument pas (à 87% selon un récent sondage argentin) se séparer de leur passeport anglais.

 

Cela nous amène à 2010, où l’on découvre qu’il y a pas mal de pétrole dans les eaux entourant les îles. Sonnez les trompettes, roulez les tambours, Cristina bondit sur l’occasion pour raviver les vieilles tensions ! Crescendo de petites piques diplomatiques depuis deux ans, surtout que les 30 ans du conflit approchent. C’était donc ce lundi. Jour férié pour el Día del Veterano y de los Caídos en la Guerra de Malvinas. À la télévision, une jeune chauffe l’ambiance en chantant passionnément à la gloire du pays et à la souveraineté sur les îles. Puis, pas moins de 11 chaînes retransmettent en direct le discours enflammé de Cristina devant le monument flambant neuf aux victimes de la guerre. 

 


 

Tout ça est bien utile pour détourner l’attention des nombreux problèmes auxquels doit faire face l’Argentine actuelle. La ville est recouverte d’affiche de propagande en tout genre et de nombreux tags « Fuera Ingleses de Malvinas ! »** colorent les murs. Un bon relent de nationalisme dans un pays très fier peut s’avérer pratique. Surtout quand on a un ennemi étranger bien désigné, mais vous connaissez ça aussi bien que moi…

 

 

 

La défaite essuyée aux Malouines par une dictature insensée reste bizarrement vue comme une agression délibérée et injuste d’une Angleterre impérialiste. Ici, personne ne veut voir une autre version de l’Histoire et aucune figure publique n’ose tourner la page ou même évoquer l’idée d’un pardon. Le rêve idiot que des îles peuplées de palots couverts de tâches de rousseurs, parlant anglais et adorant le prince Harry, deviennent un jour argentines semble éternel. En attendant, il semble qu’on va encore boire du tea plutôt que du maté un petit bout de temps sur ces îles. Heureusement pour l’orgueil des Argentins, l’affront des Malouines a été en partie lavé par Diego Maradona un jour de juin 1986… mais ça, c’est une autre histoire.

 

 

 

 

 

 

 

* gamin argentin

 

**  « Les Anglais, cassez-vous des Malouines ! »


 





06/04/2012
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