On creuse, on détruit, on progresse
Un article 100% chantier ! Ce blog tarde parfois à donner des nouvelles du projet et se perd en digressions culturelles colorées et futiles alors qu’en vérité, on est quand même là pour construire un hôtel. Ça n’est pas l’envie qui manque, on aimerait parler tous les jours du déroulement des travaux. Car ceux qui ont suivis un chantier savent que chaque petite avancée est une véritable victoire. Je pourrais donc vous conter, le torse bombé, le sort de chaque mur abattu, de chaque clou planté, jour après jour. Mais mon émoi quotidien paraîtrait bien ridicule et rébarbatif devant l’immensité des tâches à accomplir. Un ennui mortel envahirait le blog et bien vite, gavés de bétons, vous vous en détourneriez.
C’est pourquoi nous préférons des petits checkpoints au fur et à mesure de la obra*, plus tranquilles. Après plus de deux mois de travaux à plein régime (a full comme disent les Argentins), le moment est donc venu de faire un premier bilan.
Le premier à entrer sur le chantier, qui sera aussi le dernier à en sortir, s’appelle Oscar. C’est le chef des maçons, le capataz comme ils disent. Il répond à la directora de obra, Sol, qui veille au grain et est l’intermédiaire entre le terrain et nous. Oscar, son sourire, son équipe et son accent paraguayen débarquent donc les premiers.
Au début, ils n’ont fait que creuser. Des gros trous un peu partout dans notre cher petit immeuble. Genre travaux de voierie municipale, pas green de golf. Du bon gros trou d’un mètre sur un mètre et 1,70m de profondeur. Cela nous a permis de découvrir la partie immergée de l’iceberg, les murs enfouis depuis plus d’un siècle et la terre brune qui, bien qu’on l’oublie souvent, est là, sous la ville. Pas de coffre au trésor, dommage. Ces cavités, coûteuses en efforts pour l’équipe d’ouvriers, étaient indispensables pour renforcer la vieille bâtisse. Ils vont servir de mini-fondations. Pendant toute cette étape, la mairie (toujours elle !) nous oblige à engager un ingénieur spécialisé en excavation à temps plein pour qu’il vérifie qu’on n’attaque pas le sol porteño trop sauvagement. L’ingénieure est une jeune de 18 ans qui s’appelle Denise. Bon, elle était sûrement plus âgée mais les jeunes ressemblent à des poupons ici. Ou alors on vieillit, plus vite que prévu. Bref, elle est restée plus de deux semaines à se tourner les pouces aux frais de la princesse pendant que les mecs d’Oscar creusaient comme des forcenés. Ils ont ensuite remplis de béton tous ces puits béants. L’étape 1, excavation, fut alors terminée.
Sur ces blocs de béton fraîchement coulé furent ensuite élevées des colonnes, en béton elles aussi, nouveaux piliers qui soutiennent la structure. Un jour, un gros camion surmonté d’une bétonneuse a débarqué devant notre porte. Vous savez, ceux qui hypnotisent le regard à force de tourner et tourner encore... Du camion sort un tuyau d’un calibre effrayant, sa pompe vrombit et propulse du béton au premier étage. Car avant sa bruyante arrivée, il n’y avait pas de sol à l’étage, juste le plafond du dessous, croûte fragile, qui autrefois accueillait un plancher noble. Mais ce dernier a disparu depuis longtemps, volé par de précédents occupants. Grâce au camion, tout le sol est coulé en une journée. Une bonne chose de faite.
Pendant que les colonnes sèchent, des burins et des maillets viennent s’écraser dans les étages pour détruire des murs et de nombreux éléments qui ne serviront plus. Pour évacuer ces débris superflus il faut placer des bennes dans la rue, les volquetes, bien les remplir et attendre qu’un camion les emporte dans la nuit. Sol ou Oscar me demandent donc quasiment tous les jours de commander un volquete pour le lendemain.
Les murs de briques disparaissent, de nouvelles colonnes se dressent et la façade se voit revêtue d’un habit de bois. Échafaudage simple mais efficace imposé par… la mairie pour protéger les passants d’une éventuelle chute du balcon. Il n’y a d’ailleurs quasiment pas d’échafaudage métallique en Argentine. Il est toujours surprenant de voir d’immenses tours en construction décorées de frêles planches de bois. Mais bon, ça tient.
Après beaucoup de démolition et de renforts de béton, viennent les IPN. Les perfiles dans le jargon de la obra. Ces lourdes poutres d’acier doivent être placées entre deux murs ou deux colonnes pour soutenir la structure. Bien souvent, elles remplacent un mur porteur. Les hommes d’Oscar suent pour soulever ces monstres de métal à mains nues. Ils peuvent ensuite démolir les anciens murs porteurs, ce qui dégage immédiatement le champ de vision et donne une meilleure idée de ce que sera l’hôtel. Ça y est, ce n’est plus seulement dans notre imagination ! Il y a vraiment une grande pièce là ! Par contre ces destructions laissent une quantité de débris incalculable. Un volquete pour évacuer tout ça ? Un volquete ! Uno más !
Le gros-œuvre avance donc à bon rythme. Les changements sont chaque jour plus impressionnants et les visites quotidiennes à la obra sont toujours un plaisir. En fait, un perfil en plus, un mur en moins, un volquete, elles sont là les victoires. Je vous le disais, grandiose et rébarbatif. Mais vous n’avez pas fini d’en entendre parler !
Besos a todos
*obra : chantier
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